On l’attendait, ce ne fut donc pas une surprise: Serge Blanco (président de la LNR) a confirmé que les clubs français ne participeraient pas à la Coupe d’Europe lors de la saison 2007-2008. La Ligue n’a donc fait que maintenir la position adoptée en janvier, malgré une proposition de dernière minute de Bernard Lapasset, président de la FFR, pour éviter ce boycott.
Mais ce ne seront pas les seuls absents, puisque, comme promis, les clubs anglais se joignent à ce boycott français. La Coupe d’Europe 2007-2008 se disputera donc sans les deux nations les plus titrées, 9 victoires en 11 éditions. Les Anglais justifient leur retrait par le conflit qui les oppose à leur fédération, cette dernière refusant toujours de les laisser entrer dans le capital de la Coupe d’Europe, comme le désirent les Français. La LNR souhaite en effet que les clubs deviennent actionnaires pour éviter que la Coupe d’Europe ne se transforme en une épreuve de franchises, semblable aux ligues américaines, mais la fédération anglaise redoute de perdre la main sur ses équipes.
Le comité directeur de la LNR a largement adopté la décision, puisque seules trois voix – celles des représentants de la fédération, et celle de Jean-Pierre Lux, président de l’ERC, organisatrice de la Coupe d’Europe – se sont élevées contre l’initiative de la Ligue. Bernard Lapasset avait pourtant tenté d’infléchir la décision des clubs en leur offrant de participer au capital de l’ERC avec une minorité de blocage à hauteur de 15,66% pendant deux ans, afin de laisser le temps aux Anglais de régler leurs différends.
De son côté, l’ERC a fait savoir qu’il avait pris acte des décisions françaises et anglaises, et annoncé qu’une réunion des actionnaires et du conseil d’administration serait organisée les 11 et 12 avril à Dublin pour les examiner. L’ERC peut se faire bien du souci, puisque sa coupe va perdre beaucoup de sa valeur. Le sponsor Heineken a même annoncé qu’il pourrait se retirer dès la fin de cette saison. Devant ces difficultés, la Coupe d’Europe risque tout simplement de ne pas être disputée la saison prochaine.
Les pertes risquent également d’être importantes pour les clubs. Les sommes perdues en droits télévisuels seront énormes. La province galloise des Llanelli Scarlets, par exemple, perdra 20% de son budget en cas d’annulation. Et Serge Blanco a eu beau assurer, il y a quelques semaines de cela, que les pertes pour les clubs seront compensées, ce boycott coûtera à coup sûr cher. Et contrairement à ce que les Anglais auraient souhaité, il n’y aura pas, selon lui, de compétition parallèle.
Serge Blanco, dans une interview accordée au Midi Olympique, explique cette décision par un sentiment de «trahison» vis-à-vis des instances internationales. Extrait:
MIDOL: Serge Blanco, pourquoi avez-vous refusé la proposition du président de la Fédération française Bernard Lapasset de vous offrir pendant deux ans une minorité de blocage au sein du capital l’ERC, qui organise la compétition?
S.B. : Cette contre-proposition ne peut pas nous satisfaire, car nous n’avions pas la propriété de ce que nous demandions. Avoir ces 15% sur un prêt de deux ans, cela reporte uniquement le problème dans deux ans. Cela ne représente rien pour nous, sauf une preuve de la compréhension et de la complicité de notre Fédération. Il faut se poser les bonnes questions. Il n’y a pas de raisons que la Fédération nous lâche de l’actionnariat et que les Anglais fassent un pas en arrière, alors qu’ils étaient d’accord pour le faire dans un premier temps. Cela veut peut-être dire qu’il y a anguille sous roche.
M. : N’avez-vous pas peur de renforcer votre isolement avec cette position?
S.B. : Il ne faut surtout pas faire croire au monde du rugby que les Français ont tué la Coupe d’Europe. Aujourd’hui, nous nous sentons trahis par les instances internationales. Nous avons demandé depuis 2005 à bénéficier d’un peu de reconnaissance. Recevoir une partie des actions avec les Anglais, cela voulait dire que les clubs pouvaient continuer à vivre. Je trouve dommageable que certaines personnes ne nous aient pas accordé cette reconnaissance car on nous demande d’attendre et de patienter, mais si c’est pour être roulés dans la farine dans deux ans, ça ne sert à rien!
M. : Cette question d’actionnariat ne cache-t-elle pas des revendications financières?
S.B. : Non, l’actionnariat ne représente rien en termes financiers, car il n’y a pas de reversement de dividendes et nous n’avons jamais rien demandé de supplémentaires en termes financiers, alors que nous aurions pu le demander. Toutes les autres fédérations prennent plus d’argent que les clubs français.
Et Blanco ne s’est pas fait un copain: Syd Millar, président de l’IRB. Pour l’Irlandais, cette décision, imitée par les clubs anglais, est «regrettable, malheureuse, honteuse et égoïste » et le président de la LNR en est le responsable car il «s’est laissé utiliser par certaines personnes qui, en Angleterre, veulent déstabiliser non seulement la Coupe d’Europe mais la manière dont le rugby est dirigé, par les fédérations nationales et l’International Rugby Board.»
Blanco ne veut pas répondre à ces attaques. Mais c’est bien fait pour Millar et l’IRB (opinion personelle).