Voilà un thème qui a de beaux jours devant lui. L’arbitrage au niveau international, tant en clubs durant la H Cup, qu’au niveau des équipes nationales, est un vrai fléau. On le sait depuis longtemps en France. L’IRB et l’ERC, dirigées, phagocytées par les Britanniques, n’a pas vraiment tendance à avantager les Français. Les épisodes Tincu et Audebert (l’an passé) sont là pour en témoigner. Pour rappel, Marius Tincu a été condamné à purger 18 semaines de suspension par l’ERC, pour un geste qui n’a été ni vu, ni prouvé. Sur la simple accusation d’un Gallois, dont la parole valait apparemment plus cher que celle du Perpignanais.
Ce week-end encore, les arbitres ont fait dans les douteux. A Clermont par exemple, où Cudmore écope d’un carton rouge, mérité, après une bagarre générale, alors que son vis-à-vis ne prend qu’un jaune. Une différence de traitement plutôt gênante. Le Clermontois est évidemment cité devant la commission de l’ERC. Avec sûrement une belle sanction à la clé. Ce qui n’est pas le cas de son adversaire direct.
A Bayonne, et malgré la victoire de son équipe, Eddie Jones, l’entraîneur des Saracens, n’a pas caché sa colère. «Nous allons peut-être citer des joueurs car en deux semaines, nous avons été deux fois victimes des mêmes gestes, des fourchettes. C’est peut-être autorisé dans le championnat français mais nous, nous ne voulons pas que le rugby prenne cette direction.» Oh la belle hypocrisie! Certes, je n’ai pas vu ce match. Mais comment peut-on se permettre une telle généralisation quand on voit le comportement de la majorité des équipes anglaises, et ce depuis des années? Cela fait bien longtemps que ces messieurs ont une belle longueur d’avance sur nous en matière de provocation et de gestes déplacés.
C’est là que le bas blesse. Ils sont bien meilleurs que nous pour ne pas être sanctionnés. Ou alors sont-ils avantagés? A-t-on raison de penser depuis si longtemps que les équipes françaises partent avec une dizaine de points de «retard» dès le coup d’envoi? Aujourd’hui, même un Britannique le pense. Et pas n’importe lequel: Stephen Jones (à ne pas confondre avec l’ex-Clermontois), journaliste phare du Times, spécialiste du rugby. Un soutien plutôt inattendu.
Dans un article paru cette semaine, Jones explique ne pas comprendre l’arbitrage mené en H Cup. «Si j’étais un club français, je m’interrogerais sérieusement sur l’intérêt de continuer à disputer le reste de la Coupe d’Europe.» Telle est la phrase d’ouverture de cet article. Une question que l’on s’est déjà posée par ici. Jones passe ensuite en revue les matchs des équipes françaises: «Que personne ne vienne me dire que le Stade français n’a pas été crucifié par l’arbitrage, parce que c’est le cas. Et les défaites de Biarritz, qui a perdu à Cardiff, et Perpignan, qui s’est incliné à Leicester, sont dues à la faiblesse de l’arbitrage et d’un irrespect total des consignes que l’on demande aux arbitres de ce sport soi-disant professionnel. Le rugby français se fait systématiquement arnaquer par les arbitres en Coupe d’Europe» Une colère éclatante.
Pour le journaliste gallois, il n’existe plus qu’une solution pour recouvrer un plus de partialité sur la scène continentale: laisser les arbitres français arbitrer les équipes françaises. Car Jones souligne enfin que les officiels anglophones ne font pas l’effort d’apprendre la langue de Molière contrairement aux Français qui s’expriment en Anglais lorsqu’ils arbitrent des formations britanniques. A l’exception de Rob Debney, qui a fait l’effort d’apprendre le français et l’italien. «Dieu le bénisse» ajoute-t-il. Si la solution proposée semble hors de propos, n’exagérons pas non plus, elle est symptomatique. Jones traite ses compatriotes de fainéants. «Parler plus fort à des étrangers n’est pas arbitrer de manière préventive. C’est d’une condescendance flagrante. Si les responsables de l’arbitrage ne peuvent pas trouver d’arbitre capable de parler dans la langue des deux équipes concernées, ils devraient demander à ce que chaque arbitre officie dans le silence le plus total.»
Le plaidoyer est violent, mais justifié. Hier encore, la largesse de l’arbitre lors de la rencontre Perpignan-Leicester a été flagrante. Comment se fait-il que Carter se prenne un plaquage «cathédrale» sans q’une pénalité ne soit sifflée? La règle 11 est pourtant claire: «Le fait de soulever un adversaire lors d’un plaquage ET de le projeter vers le sol, de manière à ce que sa tête ou la partie supérieure de son corps entre en contact avec le sol est un acte de jeu dangereux.» La sanction appropriée est un coup de pied de pénalité, ainsi qu’un carton, qui peut être rouge si le plaquage est appuyé. La fait que le geste soit fait à la vue de tous mais ne soit pas pénalisé pose des questions. La conclusion Jones ne fait pas dans la demi-teinte: «Les preuves de l’arbitrage défavorable envers les clubs français sont tellement nombreuses que le concept de fair-play a disparu.» Harry Ellis, le demi de mêlée remplaçant de Leicester, a été cité par le commissaire de l’ERC présent au match pour ce geste. Prendra-t-il 18 semaines? Nul doute que non. Et nous pourrons encore et toujours débattre de ce problème qu’est l’arbitrage moderne.
Car en France aussi l’arbitrage est un problème. Dans ce sport aux règles si compliquées, il n’est pas un match où chaque décision peut être critiquée. Les phases de regroupement sont un formidable vivier de fautes en tous genres. Le problème se pose ainsi: pourquoi pénaliser celui-ci plus que celui-là? Pour la même action, plusieurs décisions peuvent être prises. Il est alors facile de favoriser une équipe si on le souhaite. Il est également facile de se planter, tout simplement. Il faut trouver des solutions. On ne peut plus demander aux joueurs d’être respectueux des règles si les arbitres ne sont pas assez bons pour les appliquer eux-mêmes.
Le problème semble s’amplifier ces dernières années. Avec un souci majeur: comment attirer les novices vers ce sport compliqué, où rien n’est fait pour éclaircir les choses. L’idéal serait peut-être de réduire au maximum les phases de ruck, cet infâme charabia pour le non-initié. Les querelles en seraient considérablement réduites, puisqu’elles concernent en grande majorité les décisions prises sur ces phases. En attendant, Stephen Jones pose la bonne question: doit-on continuer à espérer une harmonisation de l’arbitrage, ou laisser les Britanniques disputer la Coupe d’Europe entre eux, ce qu’ils espèrent secrètement?
Je crois que tout est dit dans cet article… rien à ajouter…malheureusement!